Le Réveil de Laurent Gounelle
Pour rester libres, n’ayons pas peur. (source Happiniz n° juin-Juillet 2022)
Au Vème et IVème siècle avant notre ère, dans la République d’Athènes, les pouvoirs les plus importants étaient confiés à des citoyens tirés au sort. Ce système politique a tellement bien fonctionné qu’il a duré près d’un siècle, à une époque pourtant très instable. Deux mille cinq cents ans plus tard dans nos pays qui s’affirment démocratiques, le pouvoir est entre les mains d’une petite élite qui se le partage aux termes d’un affrontement politique tenant plus du jeu de rôles que d’une sincère confrontation des idées. Pourquoi ? Sans doute parce qu’ils partagent la vision d’Edward Bernays, le père de l’ingénierie sociale, selon laquelle le peuple est stupide, et qu’il faut donc le manipuler pour lui dicter ses pensées en jouant sur ses émotions. Tout cela remonte à un peu plus d’un siècle, en 1917, Bernays, le neveu de Freud, est appelé à rejoindre une commission créée par le président des Etats-Unis, Woodrow Wilson, afin de trouver un moyen de retourner l’opinion publique en vue de rentrée en guerre du pays, il vient en effet de se faire réélire avec la promesse du contraire… Edward Bernays et sa commission imaginent des actions à grande échelle pour induire des émotions dans la population, notamment en diffusant de fausses informations. On va jusqu’à inventer de toutes pièces des histoires destinées à faire peur, comme celles de ces soldats allemands qui auraient embroché des bébés belges sur leurs baïonnettes. En un rien de temps, l’opinion est acquise. L’ingénierie sociale est née, autrement dit : la manipulation des masses. Après la guerre, Bernays décide de poursuivre cette activité au service du privé, en proposant ses services à des multinationales, il va lancer des actions d’envergure diffusant de fausses Informations pour façonner les pensées et les opinions des gens souvent avec la complicité plus ou moins consciente de figures d’autorité morale comme des médecins ou des journalistes. Il réussit par exemple à induire dans la population américaine la peur du président démocratiquement élu du Guatemala en le faisant passer pour un dangereux communiste menaçant les Etats-Unis, ce qu’il n’était aucunement. Pourquoi ? Parce que sa politique agricole gênait les intérêts de la United Fruit Company, une multinationale américaine. La population effrayée va exiger une action du gouvernement, et la CIA finira par orchestrer un coup d’Etat. Une guerre civile s’ensuivra, mais la United Fruit Company retrouvera ses intérêts ?
Un siècle plus tard, les techniques de manipulation des masses de Bernays sont enseignées dans les prestigieuses universités américaines aux futurs patrons des grandes entreprises. Dans le reste du monde, des cabinets de conseil américains se chargent d’initier à ces pratiques les dirigeants politiques en échange d’honoraires astronomiques réglés… avec l’argent des contribuables qu’on veut manipuler. Comme le dit le grand linguiste américain Noam Chomsky : La manipulation est aux démocraties ce que la matraque est aux régimes totalitaires
Comment nous en prémunir, pour garder ou retrouver notre liberté ? Par le refus de la peur. Pourquoi ? Parce que la plupart de ces techniques de manipulation des masses reposent sur la peur induite dans la population. Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes, écrivait Machiavel. Alors, quand une peur se propage dans la société et surgit dans notre esprit, recentrons-nous sur la confiance que nous pouvons avoir en nous, en nos ressources pour gérer l’imprévu, en l’Univers dont la marche immuable porte en son sein les racines de la sérénité. La confiance est le meilleur rempart contre la propagande. La confiance en soi et la confiance en la vie se renforcent mutuellement dans une sorte de spirale ascendante la seconde se nourrit de la première et réciproquement. C’est ainsi que nous préserverons l’un de nos biens les plus précieux : notre liberté.